La souveraineté industrielle et la compétitivité économique sont des enjeux stratégiques majeurs pour la France et l’Union européenne. Dans un monde marqué par des transformations rapides, des tensions géopolitiques accrues et une concurrence internationale exacerbée, chacun s’accorde à dire que la France doit renforcer sa capacité à produire, innover et sécuriser ses approvisionnements stratégiques.
Si les collectivités locales apparaissent comme des acteurs essentiels de cette dynamique, leur impact réel reste sujet à débat.
Cet article explore leur rôle potentiel, leurs marges de manœuvre et les limites qui freinent leur contribution à la réindustrialisation et à la souveraineté économique.
Les collectivités locales : un levier potentiel pour la compétitivité et la souveraineté industrielle
Un rôle clé dans la réindustrialisation des territoires
Les collectivités locales disposent de plusieurs leviers pour soutenir la réindustrialisation et la compétitivité des entreprises sur leur territoire :
- Favoriser l’implantation industrielle en mettant à disposition du foncier attractif, en facilitant les procédures administratives et en accompagnant les entreprises dans leur installation.
- Créer des écosystèmes d’innovation en encourageant la coopération entre entreprises, centres de recherche et établissements de formation.
- Soutenir la transition écologique et énergétique des industries locales en développant des infrastructures adaptées (réseaux énergétiques bas carbone, recyclage, mobilité durable).
- Attirer et former les talents industriels en adaptant l’offre éducative aux besoins des entreprises et en valorisant les métiers de l’industrie auprès des jeunes et des demandeurs d’emploi.
Des initiatives locales alignées sur les enjeux de souveraineté
Face aux défis posés par la dépendance aux importations, la compétitivité industrielle locale peut être renforcée par :
- Le développement de filières stratégiques régionales, notamment dans les secteurs des batteries, des semi-conducteurs et des biotechnologies.
- La sécurisation des approvisionnements critiques, via la promotion du recyclage et la relocalisation de certaines productions industrielles.
- L’intégration des territoires aux grands projets industriels nationaux et européens, notamment à travers les pôles de compétitivité et les clusters industriels.
Mais… leurs marges de manœuvre sont limitées par le cadre institutionnel et réglementaire
Une politique industrielle encore majoritairement pilotée à l’échelle nationale et européenne
Malgré leur rôle facilitateur, les collectivités locales restent contraintes par un cadre institutionnel qui leur laisse peu de prise sur les décisions stratégiques :
- Les politiques industrielles et énergétiques sont définies aux niveaux national et européen, limitant l’autonomie des collectivités sur des choix structurants (ex. : tarification de l’énergie, régulation du marché du travail).
- Les règles européennes de concurrence et de subvention freinent l’intervention publique locale, notamment en matière d’aides aux entreprises et d’investissement dans des infrastructures stratégiques.
- Les décisions de localisation des industries stratégiques restent largement centralisées et dépendantes de régulations environnementales, ce qui réduit la capacité des territoires à attirer des projets d’envergure.
Une dépendance aux politiques et financements nationaux
Les collectivités ne disposent pas des ressources budgétaires suffisantes pour soutenir à elles seules une politique industrielle ambitieuse :
- Leur budget est principalement financé par l’État et des ressources fiscales contraintes, ce qui limite leur capacité d’investissement.
- La concurrence entre priorités locales (logement, mobilité, transition écologique, services publics) réduit la part des budgets alloués à l’industrie et à l’innovation.
- Les grands groupes industriels privilégient souvent les métropoles et les hubs économiques majeurs, rendant plus difficile l’attractivité des territoires intermédiaires.
Des défis opérationnels et des freins structurels à l’action locale
Un manque de coordination entre les échelons de gouvernance
L’efficacité de l’action locale en matière de compétitivité et de souveraineté industrielle est freinée par :
- Un millefeuille territorial complexe, où communes, intercommunalités, départements et régions interviennent parfois sans coordination.
- Un manque d’alignement entre les stratégies locales et nationales, qui peut entraîner des doublons ou des incohérences dans les dispositifs de soutien.
- L’absence de gouvernance locale dédiée à la réindustrialisation, rendant difficile le pilotage efficace des projets industriels territoriaux.
Des contraintes administratives et réglementaires ralentissant les initiatives locales
- Les procédures d’implantation industrielle sont longues et complexes, ce qui peut décourager les investisseurs.
- Les réglementations environnementales et urbanistiques, bien que nécessaires, peuvent ralentir certains projets stratégiques, notamment dans des secteurs comme les infrastructures énergétiques ou les nouvelles usines.
- Les dispositifs de soutien locaux restent souvent dispersés et peu lisibles pour les entreprises, limitant leur impact réel.
Un impact limité face aux dynamiques économiques et géopolitiques mondiales
Une dépendance à des choix industriels mondiaux
- Difficulté à relocaliser des chaînes de valeur stratégiques : Les collectivités locales n’ont que peu d’impact sur les décisions des grands groupes industriels, qui restent dictées par des logiques globales de coûts et d’accès aux ressources.
- Manque de maîtrise sur les investissements étrangers : La souveraineté industrielle repose aussi sur la capacité à attirer des entreprises stratégiques étrangères, ce qui dépasse souvent les capacités d’action des collectivités locales.
- Concurrence internationale forte : D’autres pays offrent des conditions plus favorables aux industries de pointe (ex. USA avec l’Inflation Reduction Act, Asie avec des politiques de subventions massives), rendant difficile la réindustrialisation à l’échelle locale.
Une vulnérabilité aux crises économiques et géopolitiques
- Instabilité des chaînes d’approvisionnement : La souveraineté industrielle locale reste exposée aux fluctuations des matières premières et aux tensions géopolitiques (ex. guerre en Ukraine, rivalités sino-américaines).
- Dépendance à des décisions extérieures sur les prix de l’énergie : Les collectivités peuvent promouvoir des énergies alternatives, mais ne maîtrisent pas la fixation des prix ni l’approvisionnement global.
Conclusion : affichez une forte volonté et mobilisez des moyens!
Si les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer dans la compétitivité industrielle et économique, leur impact réel sur la souveraineté industrielle reste limité par plusieurs facteurs :
- Un cadre réglementaire et décisionnel majoritairement national et européen.
- Des contraintes budgétaires qui réduisent leur capacité d’investissement.
- Des difficultés opérationnelles et administratives qui freinent les projets industriels.
- Une influence limitée face aux dynamiques économiques et industrielles mondiales.
TOUTEFOIS, elles peuvent (doivent!) jouer un rôle clé en facilitant l’implantation industrielle, en soutenant l’innovation locale et en fédérant les acteurs économiques. Une approche intégrée et une meilleure coordination avec les niveaux nationaux et européens sont essentielles pour maximiser leur impact et contribuer efficacement à la compétitivité et à la souveraineté économique.
L’enjeu est de taille, sans implication forte des territoires, la réindustrialisation et la souveraineté économique resteront des objectifs lointains, très lointains…
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